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Laura Di Muzio, capitaine de l'équipe féminine du LMRCV en plein match

Laura Di Muzio, une « putain de nana » !

Les « Putains de nanas » du LMRCV (Lille Métropole Rugby Club Villeneuvois) ont été la première équipe de rugby féminin à devenir championne de France de rugby à 7 et de rugby à 15 la saison dernière. Au passage, elles ont apporté au comité des Flandres son premier titre national. Tandis que les garçons du LMR ont dû déposer le bilan l’an passé, les filles de Villeneuve, elles, sont bien placées pour conserver leurs boucliers : elles sont actuellement premières du championnat. Circonflex Mag a rencontré Laura Di Muzio, capitaine de l’équipe, et ancienne joueuse internationale.

Circonflex Mag : Félicitations pour ce double titre de championne de France, ça a dû changer beaucoup pour vous ?

Laura Di Muzio : Forcément, ça a apporté une sacrée reconnaissance au club et à l’équipe féminine ! Ces titres nous ont amené une belle visibilité dans les médias, régionaux et nationaux. Et un vrai coup de booster ! Peu de monde s’intéresse au rugby féminin, alors forcement, dès qu’il y a des retombées médiatiques ça tire le club vers le haut. Cela nous permet même d’attirer des partenaires et de nouvelles recrues.

Justement, le sport féminin, rugby y compris, est de plus en plus médiatisé. Les mentalités seraient-elles en train de changer ?

Depuis deux ans, on note une vraie évolution. Un des éléments déclencheurs a été la Coupe du Monde de rugby féminin qui a eu lieu en France en 2014. Les audiences télévisées ont été inespérées, et les matchs se sont joués à guichet fermé. Je suis sûre que même la Fédération ne s’attendait pas à un tel succès. Il y a eu un vrai déclic dans le comportement et la mentalité des gens sur le rugby féminin. Ils se sont rendus compte que ça existait, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans !

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Les « Putains de nanas » du LMRCV après leur titre de championne de France lors de la saison 2015-2016.

Est-ce que ça se ressent au niveau des adhérents ?

À chaque nouvelle saison, on a de plus en plus de joueuses. Ce sont des filles qui ne connaissaient pas le rugby, mais qui en avaient entendu parler, ou qui ont vu des matchs à la télé et qui ont sauté le pas. Parfois, on voit aussi des filles débarquer du judo ou du basket, qui ne connaissent même pas les règles, mais qui aiment l’esprit de ce sport. Généralement, après avoir essayé, elles sont emballées !

Il y a dix ans, quand j’expliquais aux gens que je faisais du rugby, ils ne savaient même pas que ça existait.

Depuis combien de temps jouez-vous au rugby ?

J’attaque ma onzième année. J’ai commencé par hasard, à l’âge de 15 ans, au collège. Je n’y connaissais rien, dans le Nord, on est plus foot que rugby ! Mais dans mon collège, on avait un cycle de rugby obligatoire, et tous les élèves ont dû y passer. Comme je me débrouillais bien, on m’a proposé d’intégrer le lycée juste à côté qui avait une section sportive rugby. J’y suis allée avec ma sœur jumelle, et c’est comme ça que j’ai commencé à jouer.

Le rugby a quand même une image très masculine, très violente. Vous avez connu des réticences de la part de vos proches ?

Mes parents m’ont laissé faire ce que je voulais. Ma grand-mère, en revanche, n’était pas fan. Elle nous disait, à ma sœur et moi : « Vous ne trouverez jamais de mari, ce n’est pas possible ». Elle demandait même à ma mère de nous empêcher de jouer au rugby ! Ma grand-mère s’inquiétait plus pour la conotation violente de ce sport que pour son image masculine. Pour elle, c’était trop dangereux. Il y a dix ans, quand j’expliquais aux gens que je faisais du rugby, ils ne savaient même pas que ça existait. Maintenant, ils sont impressionnés que des filles puissent jouer à un tel niveau.

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Laura Di Muzio, capitaine du LMRCV et ancienne joueuse internationale.

C’est un sport violent, vous vous blessez souvent ?

Cela dépend de ce qu’on entend par ”blessure”. Parfois, j’ai des gros bleus sur les bras et les gens pensent que je suis blessée, alors que pour nous, un bleu c’est loin d’être une blessure. Le rugby, c’est un sport de contact. Malheureusement il y a des risques. Si on prend les joueuses de notre équipe une par une, chacune a au moins subi une grosse blessure dans sa carrière. Parfois, il y a des blessures graves, mais ça reste rare. C’est pour éviter ce genre de choses que la préparation physique est cruciale. Il faut pouvoir préparer notre corps à subir tous ces chocs.

En France tu ne peux pas vivre du rugby féminin. Tout le monde travaille à côté et on s’entraîne le soir.

Vous avez tout un staff pour vous accompagner ?

Ce n’est pas un staff professionnel comme on peut en trouver chez les garçons. On a un préparateur physique depuis trois ans seulement. On a aussi deux kinés et un médecin qui nous suivent, puis les entraineurs. Quelle évolution ! Mais c’est indispensable. Aujourd’hui, tu ne peux pas jouer au plus haut niveau national, vouloir gagner le championnat de France et ne pas avoir de préparateur physique. C’est inconcevable.

Avez-vous un statut professionnel ?

Le rugby féminin est amateur. En France, tu ne peux pas vivre du rugby féminin. Tout le monde travaille à côté et on s’entraîne le soir. On le fait vraiment parce que ce sport nous passionne, parce que le rugby nous tient aux tripes. Ça ne fait gagner de l’argent à personne, au contraire : quand on achète des bières, on perd de l’argent. (Rires). Chaque année, on paie notre licence, si on veut s’acheter des crampons, on les paie aussi. Ah j’oubliais : en début d’année, on a eu une dotation avec un jogging, ça, on ne l’a pas payé. (Rires) Autrement, on n’a vraiment pas de rémunération. Il faut espérer que ça vienne un jour ! Comme pour le foot féminin où les filles commencent à vivre de leur sport. Pour le rugby, c’est encore trop tôt. Ça ne sera pas pour ma génération c’est sûr, peut-être dans une ou deux …

La principale raison de notre réussite, c’est notre collectif.

Dans votre équipe, il y a plusieurs sœurs, ça doit créer une dynamique de groupe spéciale ?

Avec Gina, ma sœur, on est jumelles, et Romane et Marine Ménager le sont aussi. Cela nous apporte une vraie force : quand tu joues avec ta sœur, tu es plus motivée. A la fois parce que tu es contente de jouer avec elle, mais aussi parce que tu as envie d’être à son niveau. Si elle se donne à fond, tu vas essayer de te donner deux fois plus. Mais même sans ça, le groupe vit très bien. De toute façon, on ne peut pas construire une aventure sportive sereine sans avoir derrière une vraie aventure humaine. Si je n’appréciais pas les filles avec qui je joue, je n’aurais aucune envie d’essayer de gagner des matchs tous les dimanches. La principale raison de notre réussite, c’est notre collectif. L’aventure humaine dépasse tout, elle dépasse l’aventure sportive. Sans collectif, tu ne vas nulle part. Surtout dans un sport comme le rugby.

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L’équipe féminine du LMRCV se motive avant le match.

Votre objectif cette année, c’est de réitérer l’exploit ?

Quand tu as gouté au plaisir de gagner des titres nationaux, et à la saveur de se battre pour les obtenir, tu ne veux pas les perdre. On veut conserver nos deux boucliers. Ça va être difficile, on le sait, parce que le niveau du championnat augmente d’année en année. Les équipes sont de plus en plus performantes. Pour l’instant, on est en tête, et on n’a perdu que deux matchs

Ce sont les mêmes règles que chez les garçons ?

Rien ne change ! Le rugby, c’est un des seuls sports où les règles sont exactement les mêmes chez les filles et les garçons. Dans d’autres sports, parfois, c’est adapté comme au basket où le ballon est plus petit chez les filles. Nous, on joue avec le même ballon qu’en top 14, chez les hommes.

J’aime l’esprit collectif du rugby à 15 et l’inattendu du rugby à 7.

Vous avez gagné un titre dans chaque discipline, mais vous préférez le rugby à 15 ou le rugby à 7 ?

J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe de France de rugby à 7, et le Seven c’est magique ! C’est un sport complètement différent. On ne fait que courir. Physiquement, c’est horrible, tu perds l’usage de tes jambes et de tes poumons quoiqu’il arrive. C’est plus inspiré, moins réfléchi qu’à quinze. Ça ne dure que 14 minutes contre 80. On va dire que j’aime l’esprit collectif du 15 et l’inattendu du 7.

Le surnom de l’équipe « Les putains de nana », d’où ça vient ?

(Rires) J’aime bien raconter cette histoire ! C’était il y a sept ans déjà, mais je m’en souviens comme si c’était hier. En fait, souvent les équipes cherchent des noms comme « les gazelles », « les lionnes », « les louves »,… un nom qui en impose. Nous, on n’a jamais réussi à se trouver un truc comme ça. À part les hippopotames de Villeneuve d’Ascq, mais bon… (Rires) C’était donc avant un match, le coach débarque dans le vestiaire pour nous motiver. Il nous resserre en cercle et nous dit : « Les filles vous savez ce que vous êtes ? Moi je vous le dis, vous êtes des putains de nanas ! Vous êtes des putains de nanas parce que vous passez tous les jours à vous entraîner, vous donnez tout, vous sacrifiez vos vies professionnelles, vos vies étudiantes. Vous êtes des putains de nanas, et il faut que ça se voit sur le terrain, alors montrez-le. » Il a sorti ça comme ça, c’était tellement inattendu ! Ça nous a marquées. On n’avait pas de nom, pas d’identité, et les « Putains de nanas » ça collait tellement bien à ce qu’on était, aux valeurs qui nous portaient, qu’on a gardé ce nom !

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