A 23 ans, Phayik Charaf, a déjà cinq années de scène derrière lui, et un spectacle en poche, Trait d’union qu’il joue une fois par mois au Spotlight à Lille jusqu’en juin prochain.
Confortablement assis dans un des deux fauteuils de la loge du Spotlight, jambes croisées, Dr. Martens aux pieds -sa marque de fabrique-, Phayik a l’air de maîtriser la situation. Ce spectacle, Trait d’union, il a passé ces cinq dernières années à le perfectionner. L’essence de son travail repose sur deux principes : le ressenti et la sincérité. Influencé par l’humoriste Panayotis Pascot, avec qui il a eu l’occasion d’échanger quelques minutes après une représentation, il reconnaît qu’il n’a pas besoin de se forcer pour écrire : “une fois que tu ressens quelque chose, il te suffit de le dire. Si tu as la technique, alors tu parles spontanément l’humour”, explique-t-il, le sourire aux lèvres. L’humour comme une langue à part entière, qu’il apprend dès l’âge de 17 ans en regardant des sketchs de Dave Chappelle, célèbre humoriste américain. Et en comprenant, à force de visionnages, les rouages de la construction d’une blague, d’un passage, d’un spectacle.
Aucune note, tout est dans sa tête
Il compte également le rappeur Dinos parmi ses influences, en particulier l’album Hiver à Paris, dans lequel le rappeur aborde le sujet de son changement de classe sociale. Phayik raconte, les sourcils froncés : “Ce qui m’a touché, c’est la réflexion qu’on perçoit derrière le spectacle, le ‘qui je suis’. Il parle notamment de la question du transfuge de classe. Cela m’a permis de ne pas me sentir seul dans cette situation. » Le jeune humoriste, originaire des Comores, a grandi à Dunkerque. Et son parcours de vie influence le contenu de son spectacle. Il y aborde des sujets de fond, le changement de classe sociale et l’identité culturelle. Il traite aussi de la dépendance affective et de sa place dans sa fratrie de triplés.
Cette véritable introspection n’est pas la seule originalité du show. Son rapport à l’écriture est tout aussi singulier : “Quand je monte sur scène et que je teste quelque chose, je ne l’ai pas encore écrit, mais j’ai déjà l’idée et je fonce”, confie-il, comme une évidence. Il avoue n’avoir aucune note ni captation de son spectacle, tout est dans sa tête.
“Une blague est terminée quand on arrête de la jouer”.
Ainsi, il n’y a, à ses yeux, ni échec, ni bide, simplement de l’exercice. Il s’efforce de comprendre ce qui n’a pas fonctionné, ce qu’il faut ajouter. Un mot, un silence, un geste. Ou au contraire, ce qu’il faut retirer. « Tout est une question de rythme, tout repose sur la manière dont le texte est délivré. Une blague est terminée quand on arrête de la jouer”. C’est pourquoi Phayik apprécie les défis : “j’aime bien les publics durs. C’est devant eux que je travaille le plus. Je prends le temps de les mettre à l’aise. Ça me permet de me connecter avec les gens”.
Son discours autocentré, Phayik le revendique en le remettant à sa place. Il n’est pas là juste pour faire rire son public. Mais plutôt pour lui transmettre des émotions. C’est une question de principe, un point d’honneur : toucher l’âme de ceux qui viennent l’applaudir