Le saviez-vous ? La jupe, aujourd’hui considérée comme un vêtement exclusivement féminin, a pourtant une histoire ancrée dans la masculinité. Mais alors, comment ce vêtement a-t-il fini par être relégué au vestiaire féminin, et pourquoi revient-il bousculer les codes de la mode masculine ? Rencontre avec Vianney NIRAVONG, étudiant à l’ISTC, école de management communication de l’Université Catholique de Lille, et adepte du port de la jupe.
La jupe était aussi un habit masculin
On le remarque tout de suite dans la rue. Cheveux teintés aux couleurs d’automne, manteau de fourrure… Mais surtout une jupe par-dessus son pantalon. Mi-longue, plissée, à carreaux rouges et violets. Une tenue pour le moins originale, qui ne manque pas d’en surprendre certains. Pourtant, cette tenue rappelle une réalité historique oubliée : la jupe était aussi un habit masculin. « Il existe pleins de populations où les hommes portent encore aujourd’hui des jupes : les Japonais avec le kimono, les Saoudiens avec le qamis, ou encore les Ecossais avec le kilt, explique Vianney. Le kilt est aujourd’hui encore un élément emblématique de la culture écossaise, et les hommes sont nombreux à le porter. »
Mais alors, que s’est-il passé pour que nos armoires masculines françaises en soient dépourvues ?
Les chausses, ancêtres du pantalon
« En France, la jupe était unisexe, mais au fur et à mesure, la société a imposé des codes. »En Europe, à partir du Moyen-Âge, les hommes ont progressivement abandonné le port de la jupe pour vaguer vers des vêtements plus ajustés. On a d’abord vu apparaître les « chausses », ancêtres du pantalon, bien plus pratiques pour monter à cheval. Puis les uniformes militaires, qui étaient composés d’un haut et d’un bas distinct. Et après la Révolution industrielle, c’est au tour du costume trois pièces de s’imposer comme la norme de l’élégance masculine, annonçant définitivement le début du règne du pantalon. Cette tendance se répand peu à peu dans la société civile, réservant ainsi la jupe au vestiaire féminin.
« Je me fous du regard des gens »
Pour Vianney, styliser ses tenues avec des jupes, c’est surtout affronter les stéréotypes de genre imputés à la société. Sonmessage est clair : ne pas écouter les préjugés sociaux, et mettre fin à ces normes de genre et d’identité préconçues. « Je trouve que les jupes reflètent un peu ma personnalité, dans le sens où je me fous du regard des gens, je porte ce que je veux. Même si parfois, dans certains lieux il y a des codes particuliers, je n’ai pas trop envie de les respecter, ils me semblent inutiles. »Dans les années 80, la résurgence du port de la jupe dans les défilés de mode masculine avait justementcet objectif de renverser ces codes sociaux et de choquer le grand public. Le précurseur fut le très célèbre Jean-Paul Gaultier qui, en 1985, a présenté sa collection Et Dieu créa l’Homme, qui incluait des jupes pour hommes. Mais la tentative de démocratisation de cette mode se solve par un échec. Le grand public masculin n’est pas parvenu à adopter la jupe. Vianney, en portant des jupes, alimente un peu plus le débat autour de la mode masculine. « J’encourage les hommes à tester la jupe masculine, à essayer en tout cas. Je ne demande pas aux gens de devenir avant-gardistes sur son port, mais d’être plus progressistes par rapport à certains sujets. »
Ce n’est qu’une question de temps
Certains artistes, comme Harry Styles ou Jaden Smith ont fait sensation en portant des jupes lors d’événements publics et de grande ampleur, et leur impact contribue à la normalisation de la jupe chez les hommes. « Depuis un an surtout, je vois des hommes porter des jupes, différemment de moi ou d’autres personnes, mais c’est ça qui est aussi cool. C’est que chaque personne porte ce qu’il veut, et d’une manière différente. »Même si sa réapparition dans les armoires masculines se fait encore discrète, ce n’est qu’une question de temps. La jupe masculine est prête à redéfinir les contours de la mode masculine, en devenant un des premiers outils d’expression personnelle et de remise en cause des normes de genre restrictives et aux clichés entourant la société.
Et vous, qu’attendez-vous pour sauter le pas ?
DE MOOR Clarisse


