À quarante-huit ans, Karim Laghouag vit au rythme des sabots et des projecteurs. Originaire de Roubaix, ce nordiste s’est éloigné de sa ville natale pour vivre de sa passion: les chevaux. Deux médailles olympiques plus tard et à quelques mois des Jeux de Paris 2024, le regard du cavalier est tourné vers les pistes de Versailles et l’espoir d’un troisème podium.
Une voix enjouée, des yeux bleus perçants et un sourire jusqu’aux oreilles, voilà qui résume bien Karim Laghouagh. Installé à Nogent le Rotrou, en Eure-et-Loire, le cavalier de quarante-huit ans parvient à nous accorder un peu de son temps malgé des journées à la charge olympique. Au travers du combiné, on perçoit en arrière plan les bruits des sabots qui rythme le quotidien du multimédaillé équestre. Depuis plusieurs mois Karim s’attelle à mettre le maximum de chances de son côté dans l’espoir de vivre une nouvelle olympiade: “Je suis hyper déterminé pour Paris, je ferais de mon mieux tout en prenant du plaisir, c’est mon état d’esprit” déclare le cavalier avec un optimisme qui lui est propre.
Originaire de Mouvaux, le petit Karim a grandi dans la région lilloise. « Les gens du Nord sont extrêmement accueillant, bienveillant et toujours prêts à rendre service » se remémore-t-il. “Dans le nord il y a peut être quelques intempéries mais pas dans le coeur des gens”, souligne le passionné de chevaux. S’il a quitté la région depuis plusieurs années, Karim ne l’oublie pas pour autant: “Ma famille est toujours dans le nord, notamment mon frère à Tourcoing. J’aime beaucoup y retourner pour me ressourcer, côtoyer mes proches et retrouver cet esprit chaleureux qui m’a fait grandir”.
S’il est aujourd’hui un athlète à haut niveau, cet amoureux des chevaux n’est pas exactement né les pieds dans le camboullis. Immobilisé à l’âge de 2 ans suite à un accident, il passe quatre ans en fauteuil roulant. “Je me suis senti assez seul pendant mon enfance et aujourd’hui ça me fait réaliser à quel point mon entourage est essentiel”, reconnaît Karim. Très loin des chevaux et des terrains de compétition, le jeune garçon compense son incapacité physique par un sens de l’obervation aiguisé. “Petit je n’avais pas le droit de monter à cheval, ni même de marcher ou de faire comme les autres enfants, ça a créé un manque”, raconte-t-il. “Alors, j’ai énormément observé et ça m’a permis de développer quelques atouts dans les activités que j’ai pratiqué par la suite”
« C’est génial de se lever avec de telles perspectives chaque jour »
Une fois remis sur pied, le jeune homme s’essaye à différents sports et notamment à l’équitation. “Mon oncle était cavalier a haut niveau et, quand je suis monté à cheval, il m’a dit que je n’étais pas mauvais”, ironise-t-il. Son oncle, alors cavalier professionnel de concours complet, transmet à Karim sa passion et son savoir pour cette discipline toute particulière. “Les épreuves de complet sont des moments de dépassement de soi. Il faut à la fois maîtriser le dressage, le saut d’obstacle et le cross, c’est très sollicitant”, précise l’athlète. Après un été passé auprès des chevaux dans le Loiret, l’adolescent décide de quitter les bancs de l’école traditionnelle pour se spécialiser dans la filière équestre: “Après cet été, je ne voulais plus rentrer, j’ai choisi le cheval et je suis parti pour en faire ma carrière”.
Quelques décennies plus tard, Karim est installé à son compte et arbore fièrement deux médailles olympiques, l’une d’or et l’autre de bronze. “Mes années d’observation m’ont donné de la confiance”, reconnaît-il. “Quand on part de plus bas et qu’on arrive quand même a faire la différence, on se dit que finalement tout est possible” poursuit le cavalier au sourire éclatant. Ces deux breloques, obtenues en équipes lors des épreuves de concours complet à Rio et Tokyo, incarnent la réussite d’une équipe de France déterminée. “Rio c’était vraiment une bande de copains”, se remémore joyeusement Karim. “La mayonnaise a vraiment pris cette anné-là ! J’ai énormément appris de cette olympiade et je suis très attaché à cette équipe de France”, reconnaît-il sur un ton enjoué. À nouveau membre de la délégation française lors des Jeux de Tokyo, Karim sait d’expérience que les sélections olympiques sont imprévisibles : “Les Jeux de Tokyo ont été une double surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils aient lieu ou à être selctionné”, avoue-t-il.
Connu dans le milieu équestre pour son sourire éclatant et sa spontanéité, Karim partage son quotidien et sa préparation olympique au travers des réseaux sociaux. “Cette communauté et la perspective d’une nouvelle olympiade me font lever chaque jour”, confie le cavalier sur un ton enjoué. “C’est génial, c’est une vie incroyable de se dire qu’on se lève avec de telles perspectives”, poursuit-il. Amoureux d’un sport controversé, l’ancien numéro un mondial de concours complet déplore les critiques du grand public, parfois peu renseigné quant au traitement des chevaux: “Il y a beaucoup d’ignorance au sujet des sports équestres” déclare-t-il. La majorité des cavaliers aiment leurs chevaux plus que tout et il est dommage de voir que certaines personnes en disent tant de mal à cause de quelques vidéos sur Internet.”
Optimiste dans l’âme, Karim Laghouag ne perd pas le Nord et tourne son regard bleu perçant vers le parc équestre de Versailles. Le sourire aux lèvres, il galope vers de nouvelles aventures et de possibles médailles.