Annoncée en janvier 2016 par le président de la MEL (Métropole Européenne de Lille), la construction d’une piscine olympique à Lille devient de plus en plus réelle. Le projet s’est concrétisé au Conseil de la MEL du jeudi 19 octobre 2017. La piscine verra le jour en 2020-2021 et se situera à l’est du quartier Saint-Sauveur sur le site du Belvédère. Seule ombre au tableau : les avis partagés des citoyens, dont certains sont totalement récalcitrants.
D’après la MEL, cette piscine « est attendue par tous les métropolitains. » Pourtant, de nombreux moyens sont déployés pour empêcher sa concrétisation. Plus de 11 000 signataires de la pétition « Stop ! On étouffe, sauvons Saint Sauveur, Lille a besoin de respirer ! » réclament que la friche soit aménagée en un espace vert afin de préserver la nature et l’environnement. Leur volonté est exprimée clairement : « Des années de travaux pour des barres d’immeubles, encore plus de circulation sur un réseau déjà saturé, plus de véhicules donc plus de pollution et des millions d’euros engloutis pour bétonner le dernier endroit où greffer un poumon vert à notre belle cité qui suffoque ! »
Ils ne sont pas les seuls à mener ce combat, le groupe Europe Ecologie – Les Verts se joint aux critiques contre le projet d’aménagement de Saint-Sauveur. Le projet Gehl vise à transformer la friche ferroviaire Saint-Sauveur en un quartier de centre-ville mais il ne prend pas en compte les problématiques de réchauffement climatique, de pollution de l’air et de maintien de la biodiversité. Pour le groupe EELV, l’expansion urbaine diminue la surface accessible d’espaces verts et dégrade la vie des habitants. L’attractivité d’une ville passe aussi par sa qualité de vie, qui préserve la santé de ses habitants, ses espaces de respiration et sa richesse en parcs et jardins.
Le collectif Fête la Friche milite également pour que Saint Sauveur garde ses espaces verts. Circonflex Mag est allé à la rencontre de Camille-Olivier Verseau, l’un des fondateurs du collectif.
Circonflex Mag : Pourquoi désapprouver le projet de construction d’une piscine olympique ?
Camille-Olivier Verseau : Nous ne sommes pas contre le fait de construire. Mais pour densifier la ville, il faut des espaces de respiration. Ce n’est pas la construction d’une piscine qui est remise en cause mais l’endroit sur laquelle elle devrait se situer. De plus, cela représente un problème car cette construction viendrait s’ajouter aux autres constructions sur le site.
Que proposez-vous de faire sur cet espace ?
Le jardin est un lieu à part entière. Tout le monde peut y entrer, il est caractéristique de la diversité sociale. La friche est un espace qui s’étend sur 23 hectares en plein coeur de la ville. Au lieu de se retrouver dans un lieu déjà défini dans ses fonctions, comme un café, on se retrouverait ensemble pour inventer des usages. Le but du collectif est de trouver des moyens pour venir sur le terrain. L’optique est de dire : « Venons ensemble pour voir ce qu’il faut faire sur ce terrain »
Avez-vous eu l’impression d’être mis sur la touche lors de la décision de ce projet ?
Ce que nous regrettons, c’est qu’il n’y ait pas eu de consultation pour la construction de la piscine. Nous blâmons le fait que les choses soient faites pour nous et non pas avec nous. L’objectif est que quelques-uns ne décident pas pour les autres en disant « c’est bon pour vous ».
Quelles sont vos actions pour faire reculer la mise en oeuvre du projet ?
En 2015, la M.R.E.S, pour faire simple la maison des associations, propose de prolonger la concertation sur le projet d’aménagement de Saint-Sauveur. Pendant un an, nous avons réfléchi sur le projet Gehl et rencontré la SPL Euralille. Nous avons obtenu une visite officielle de la friche en 2015 lorsqu’elle appartenait à la SNCF. Nous avons également organisé une fête de la musique en juin 2016 sur la friche après avoir obtenu une convention d’occupation de quelques jours au Belvédère.
Quelle est l’idéologie de votre engagement ?
Aujourd’hui, on se désintéresse de quelque chose de fondamental : la ville. Peu de gens se sentent autorisés à s’y intéresser. Depuis 15 ans, la friche est un espace que l’on voit depuis le métro et peu de personnes se posent la question sur ce qu’est cet espace. Avec le comité, nous mettons en rapport ceux qui s’intéressent à ce lieu.
Camille-Olivier Verseau est un professeur agrégé de philosophie. Il a vécu et enseigné deux ans à Bamako et il est lillois depuis 1998. Il est amateur de danse contemporaine et de tango argentin. Il écrit sur le théâtre, les questions de société, l’histoire de la philosophie et l’art dans l’espace public. Il est également chargé du projet théâtre MOBile.