C’est au Flow, Centre Euro régional des cultures urbaines, situé 1 rue de Fontenoy à Lille qu’a eu lieu le Vendredi 21 Septembre, l’apéro conférence dans le cadre du Festival Expériences Urbaines-Xu. L’apéro-conférence a été réalisée en lien avec l’association LOUD’HER qui a pour objet d’œuvrer à plus de présence et de visibilité des femmes dans les musiques actuelles. C’est avec un immense plaisir que nous sommes allés à la rencontre de Keivan Djavadzade, docteur en science politique et membre du Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris, qui a accepté de nous apporter quelques éléments de réponses à nos questionnements. C’est parti !
Circonflex Mag : Le rap a-t-il toujours été comme aujourd’hui ?
Keivan Djavadzade : « Quel que soit notre intérêt pour ce genre musical, nous nous sommes tous un jour interrogés sur la présence féminine dans le rap. Depuis les années 1990 jusqu’à nos jours, le rap est un domaine principalement masculin : Booba, Kaaris, Lil Wayne, vous connaissez très certainement ces rappeurs qui ont un énorme succès dans notre époque actuelle. Saviez-vous que dans les années 1980-1990, les hommes se servaient du rap principalement pour dénoncer les violences policières ? Les femmes, elles, dénonçait surtout les violences sexuelles. Aujourd’hui on est bien loin de tout ça, car drogue, violence, argent et pouvoir sont les thèmes préférés des rappeurs de nos jours ; domaine dans lequel les femmes se font rares mais tentent tout de même de trouver leur place. »
Nous savons que le rap est un univers dans lequel les femmes restent minoritaires, et leur légitimité, contestée. Pourquoi ?
Les femmes seraient moins authentiques. C’est malheureusement une des raisons principales qui serait à l’origine de leur difficulté à s’imposer dans ce monde très fermé. Si nous effectuons un bon en arrière dans le temps, nous parlons de la « jeunesse main Stream » : le rap était en effet destiné à une population blanche de classe moyenne. Les rappeurs, souvent issus de la communauté afro américaine, souhaitaient montrer les difficultés de leurs vies quotidiennes : les violences, la vie dans le ghetto. Ce sont donc les rappeurs qui illustrent mieux cet aspect du rap, les femmes, elles, ne sont pas assez prises au sérieux. »
Cette sous-représentation féminine dans le rap prête à la réflexion et soulève de nombreuses questions : ce genre musical est-t-il réellement plus sexiste que le reste de la société ?
Le sexisme dans la culture rap, ce n’est pas un mythe… Ce n’est pas une nouveauté, les femmes ont toujours été et sont toujours minoritaires dans le domaine du rap. Les femmes sont souvent dépendantes d’un artiste de sexe masculin qui a plus de succès qu’elle. En effet, on peut parfois remarquer que lorsqu’une rappeuse réussie enfin à se faire un nom dans le milieu du rap, se cache derrière un « mentor » qui accepte de la prendre sous son aile. Celles-ci se font d’ailleurs bien souvent « repérer », ce qui leurs laisse peu de chance de construire leur carrière grâce à leur réel talent. Leur succès se fait généralement sur courte durée, ce qui rend ce métier encore moins accessible pour les femmes, qui sont considérées comme un investissement plus risqué dans l’industrie musicale. »
Quelles stratégies mettent-elles en place pour négocier leur place au sein de l’industrie musicale ?
Aujourd’hui, notamment grâce aux réseaux sociaux, les femmes rappeuses s’efforcent de créer une cohésion avec leurs fans comme Nicki Minaj, très proche de sa communauté via Instagram et Twitter. Elles se soutiennent également mutuellement entre elles. C’est en effet un point essentiel à la survie des femmes dans ce domaine qui est impitoyable. Malgré les controverses tout à fait discutables, comme la figure de la femme noire hyper sexualisée et soumise par exemple, les rappeuses se revendiquent souvent comme féministes, souhaitant inciter les femmes à assumer leur corps, leurs formes et leurs sexualités, bref, à se libérer de toutes ces normes que la société nous impose. Il était temps ! »
Selon-vous, quel est l’avenir des femmes dans le milieu du rap ?
Les femmes ne doivent plus se laisser marcher sur les pattes. C’est à elles que l’avenir appartient désormais, il faut que les choses changent. La place de la femme dans le rap reste tout de même minoritaire aujourd’hui et ce depuis des années. Cependant, celles-ci se battent pour acquérir leur indépendance et leur place dans ce milieu à dominante masculine, chose qui n’a pas toujours été facile.