A 20 ans, il lance sa marque de vêtements

Étudiant en double licence à l’université de Lille la journée, auto-entrepreneur le reste de son temps : Victor, 20 ans, mène une vie à deux cent à l’heure. Depuis plus d’un an maintenant, il gère seul sa marque de vêtements. Il explique ici comment il combine cette double casquette.

Installé en terrasse d’un petit café du Vieux-Lille, il pianote sur son téléphone en buvant un chocolat chaud. Sur son pull, « Patty Club », écrit en violet au niveau du cœur. Ce nom, c’est celui de son projet, sa marque de vêtements qu’il a lancé tout seul il y a maintenant un an et demi. Une idée qui lui trottait dans la tête depuis de nombreuses années mais qu’il n’avait pas pu réaliser. Jusqu’à l’année dernière. « J’en avais envie depuis le collège, mais c’était trop compliqué pour mon âge. J’ai préféré apprendre avant de me lancer ».

Cet apprentissage, Victor le réalise en autodidacte. « J’ai contacté des usines pour leur demander comment faire » explique-t-il. « J’ai aussi contacté une dizaine d’ateliers, et l’un d’eux m’a proposé d’imprimer les modèles directement au-delà de 20 ventes, pour éviter de faire un stock inutile. Financièrement, c’était le mieux pour débuter ».

Pour la partie création, Victor fait « avec les moyens du bord » rigole-t-il. « J’utilise des applis gratuites sur téléphone pour faire mes designs, c’est la galère parfois, mais j’arrive à m’en sortir comme ça pour l’instant ». Pour l’inspiration, il fait selon ses goûts : « je réfléchis à ce que j’aimerais porter, puis généralement je vais sur Pinterest pour m’inspirer. On y trouve des milliers d’inspi, donc j’enregistre les styles qui me plaisent et je les remanie à ma sauce ». Pour l’heure, Victor a déjà sorti plusieurs collections. « La première, c’était un t-shirt dans un esprit estival, avec des couleurs plutôt chaudes. Par la suite, j’ai sorti une collection dans le thème de la nuit et des soirées, une sur l’école aussi. Je fais vraiment en fonction de ce qui m’inspire ».

« Je voulais rompre avec l’idée d’entreprise »

Lorsqu’il se lance, Victor a une idée bien précise de ce qu’il souhaite pour sa marque. « Je voulais qu’elle soit éco responsable, favoriser les circuits courts et les textiles bio. Mais aussi qu’elle reste abordable pour permettre à tout le monde de la porter ». S’il souhaite que les prix de ses vêtements soient accessibles à tous, c’est aussi parce que sa marque se destine principalement aux jeunes. « Je voulais apporter une notion de club qui relie les jeunes. J’aimerais que les gens se sentent comme des membres plutôt que comme des clients. Je voulais rompre avec l’idée d’entreprise, pour ça j’essaie de rendre la chose un peu moins formelle. Je mets des smileys dans les mails, j’essaie de créer de la proximité avec les acheteurs. C’est pour ça que le mot club apparaît dans le nom de la marque ». Sentant la question venir, Victor poursuit : « J’ai choisi le mot Patty phonétiquement, il n’y a pas de raison spéciale. J’ai regardé des noms de bars, de boîtes de nuit, je cherchais quelque chose qui claque en bouche ».

Au niveau des sorties de ses produits, là aussi Victor a une idée bien à lui : « je fais ça sous forme de « drops », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de sorties programmées. Quand j’arrive à produire quelque chose qui me plait, je le sors. Le nombre de sorties dépend donc de mon inspiration et du temps que j’ai. La prochaine devrait sortir courant novembre, mais rien n’est sûr car je dois jongler avec mes études ». Il explique tout de même qu’il aimerait faire des sorties régulières mais qu’il ne veut produire que des vêtements qui lui plaisent. « J’ai peur qu’en devenant régulier, je me force parfois à sortir des collections ou je ne suis pas entièrement satisfait ».

« La Fashion Week, j’en garde un souvenir vraiment cool »

Pour faire connaître sa marque, Victor explique qu’il a voulu se déployer de deux manières « Les réseaux sociaux et les événements. En tant que petit créateur, c’est pour moi les deux meilleures manières de se faire connaître ». Sauf qu’en se lançant, il ne pensait pas que cela serait aussi difficile. « J’ai passé des heures à faire des Tiktoks sur ma marque, et la plupart n’ont pas percé. Il a suffi d’un Tiktok pas spécialement préparé, pour que je gagne 10 000 abonnés d’un seul coup et 1000 sur Insta », explique-t-il.

Peu après le lancement de sa marque, il participe à un événement de créateurs à Lille, mais n’en garde pas un très bon souvenir. « On ne me prenait pas au sérieux car j’étais jeune. Les autres créateurs me regardaient moi plutôt que ma marque. Je pense que pour eux, jeunesse allait de pair avec manque de légitimité ». Heureusement, fin juin, son avis va changer en participant à l’événement streetwear de la Fashion Week. « On était plein de petits créateurs, tous dans le secteur éco responsable donc on sentait vraiment la passion du vêtement. J’étais le seul qui n’était pas pro, mais du coup les autres m’ont donné plein de conseils sur la création et la gestion d’entreprise. C’était un réel moment de partage ou j’ai appris plein de choses, j’en garde un souvenir vraiment cool ».

« Ça m’est arrivé de travailler de 9h à 4h du matin »

Mais avoir sa marque, c’est aussi des sacrifices. « J’ai fait quelques concessions au niveau des cours. Ce n’est pas bien, ne faites pas ça » rigole-t-il. « J’ai sacrifié beaucoup de sommeil, mais ce n’est pas grave car c’est quelque chose qui me plait donc ça ne me dérange pas ». Pour réaliser un design, il faut à Victor en moyenne entre 40h et 50h de travail. « Après mes examens en juin, j’y passais mes journées. Ça m’est arrivé de travailler de 9h à 4h du matin. Et puis le matin je recommençais, jusqu’à arriver à un résultat qui me plaise ».
Derrière ces vêtements, c’est beaucoup de travail mais aussi quelques craintes : « J’investis beaucoup d’argent pour ma marque. Rien que pour la Fashion Week, j’ai investi 3000 euros. C’est énorme pour un étudiant, mais c’est un risque que j’aime prendre. Quand je sors des drops, j’ai toujours cette petite appréhension de « j’espère que ça va plaire ».

« Pour se lancer, il faut croire en soi. Quoi qu’il arrive, ça reste une expérience bénéfique pour le futur »

Au-delà de son goût pour les vêtements, Victor voulait « découvrir l’aspect créatif et le monde de l’entreprise, c’est chose faite et j’en suis content ». Pour ceux qui souhaiteraient se lancer, « il faut être prêt à y consacrer du temps, et croire en soi. Même sans argent. Quoi qu’il arrive, ça reste une expérience bénéfique pour le futur ». Il évoque aussi une astuce pour les Lillois : « Pour les étudiants des Hauts de France qui veulent devenir entrepreneurs, il existe le réseau « Pépite ». Ils t’aident si tu as une idée de boîte, proposent des outils pour créer certains produits. Pour ceux qui n’ont pas d’idées mais qui veulent créer quelque chose, ils proposent des formations tous les mercredis soirs pour monter son business de A à Z, ça aide pas mal ». Alors maintenant, c’est quoi ton excuse pour ne pas te lancer ?