C’est la Chenille qui redémarre …

A l’occasion du centième anniversaire de L’Idéale Chenille, son propriétaire, Alain Delannoy en parle avec passion : « Je lui ai sauvé la vie, Elle me l’a bien rendue ». Exposée sur la Place du Théâtre de Lille pendant les fêtes de Noël, la Chenille sort de son cocon, pour le plus grand bonheur des Lillois.

C’est en pleine après-midi, sous un ciel froid, que nous sommes allés faire connaissance avec L’Idéale Chenille. Sous le regard curieux des passants, et grâce au travail intense des ouvriers, nous assistons à sa métamorphose annuelle, aux côtés de son propriétaire. Le vieil homme s’appuie sur une canne. Le temps d’un instant, il retourne en enfance. C’est une sorte de cadeau de Noël en avance. Ou comme s’il assistait à la naissance d’un de ses enfants. Car tout cela, c’est « le fruit d’une histoire de famille ».

« Elle allait partir en fumée. Je lui ai sauvé la vie, Elle me l’a bien rendu. »

Un homme plutôt calme, tel était notre ressenti. Mais nous nous sommes vite rendus à l’évidence : l’habit ne fait pas le moine. Lorsque l’on a commencé à évoquer les festivités prévues pour la désormais centenaire Chenille, un peu énervé, il nous a coupé la parole : « Il n’y aura rien, on ne peut rien faire, on a trop de restrictions ». Le temps d’un instant, nous nous sommes demandé si nous ne ferions pas mieux de repasser après son entrevue avec la maire. Malgré ce coup de colère, dès que nous abordons le sujet de son Idéale Chenille, Monsieur Delannoy se détend et retrouve le sourire. « Elle est si belle maintenant. Lorsque je l’ai rachetée, vous l’auriez vue, elle était affreuse ! » Oui, l’actuelle fabuleuse Chenille n’était alors qu’un vieux papillon… sans ailes. « Elle allait partir en fumée. Je lui ai sauvé la vie. Elle me l’a bien rendu. » C’est avec ces mots que nous avons tout compris. Cette Chenille, ce n’est pas qu’un manège pour Monsieur Delannoy, c’est une vie à part entière, un enfant recueilli sur le bord de la route. « J’ai dû repartir à zéro, tout refaire. J’ai mis 5 ans pour la remettre sur pied. Je l’ai bichonnée, je voulais qu’Elle soit parfaite ».

Le Phénix renait de ses cendres

« Les manèges, c’est toute ma vie, je suis né dans une caravane en pleine foire de Lille ». Issu d’une famille de forains, Alain Delannoy a vécu toute sa jeunesse sur les foires de la région. « L’Idéale Chenille était montée sur l’emplacement juste à côté du nôtre, lors des foires de Lille. Des années plus tard, lorsque je l’ai vue sous cette bâche, toute abimée, ça m’a fait remonter pleins de souvenirs ». Il nous explique que tout de suite, il a voulu la sauver. « J’en ai parlé avec mon père, il m’a emmené voir Louis Hofmann. C’est lui qui l’a fait fabriquer en 1922 ». Il raconte son voyage à Sedan pour d’obtenir les plans originaux du manège. « Louis Hofmann m’a tout expliqué, les couleurs, les mécaniques. Avec ses précieux conseils, j’ai pu faire ce que je voulais : la reproduire à l’identique ». Voilà comment en 1991, le Phénix L’Idéale Chenille renaît de ses cendres.

« L’Idéale chenille rend les gens heureux… »

« Ça fait bientôt 40 ans que je m’occupe d’Elle, plus de la moitié de ma vie. Les gens me remercient, ce genre de manèges, on n’en voit plus aujourd’hui ! Ils sont ravis de retrouver des attractions en bois comme celle-ci ». D’ailleurs, il ne voit jamais d’adultes dans sa chenille, ce ne sont que « des grands enfants ». « L’Idéale chenille rend les gens heureux. On les entend s’amuser, crier, c’est dans ces moments-là que je me dis que je n’ai pas fait tout cela pour rien ». Monsieur Delannoy y croit dur comme fer, s’offrir un tour dans son manège, c’est une action thérapeutique. A tourner, à tourner encore, on oublie ses problèmes, on oublie tout : « Grâce à Elle, on passe un bon moment, même si ce n’est qu’éphémère. Le temps d’un instant, on ne pense plus à rien… ».

Centième anniversaire, dernier anniversaire ? Le vieil homme n’a pas forcément envie de céder sa place. Pourtant, la voix est fière quand il lève les yeux vers sa belle : « Regardez mon fils, là-haut. Il monte le manège comme je le faisais il y a 20 ans, maintenant que je ne suis plus capable de m’en charger ». Il conclura notre entrevue là-dessus, en se tournant vers celle qu’il a sauvée : « On dirait bien qu’Elle est partie pour faire encore de belles années supplémentaires … ».

100 ans : Âge de l’Idéale Chenille

5 ans : Nombres d’années nécessaires pour la rénover

1991 : L’idéale Chenille restaurée

40 ans : nombre d’année pour Alain Delannoy à s’occuper de L’Idéale 
Chenille

Photos de Hugo Barthelemy