Dans les rues de Lille, des dizaines de jeunes migrants errent sans solution d’hébergement, en attente de la reconnaissance de leur minorité par l’État. Face à cette précarité et à l’inaction des pouvoirs publics, l’association Utopia 56 se mobilise pour leur offrir un soutien quotidien.
Depuis son implantation à Lille en 2016, Utopia 56 s’est spécialisée dans l’aide aux jeunes exilés livrés à eux-mêmes. L’association organise des maraudes pour distribuer repas, couvertures et produits d’hygiène, mais aussi pour repérer les jeunes isolés et leur proposer un soutien.
L’un des axes majeurs de son action repose sur l’hébergement solidaire. Face à l’absence de prise en charge institutionnelle, l’association a mis en place un réseau de citoyens volontaires, prêts à accueillir temporairement ces jeunes en attente de reconnaissance de leur minorité. Ce réseau est constitué d’hébergeurs solidaires, de paroisses ou même de particuliers prêtant leur terrain pour des campements durant l’été. Cette solution, bien que précieuse, reste insuffisante face à l’ampleur des besoins.
Un accompagnement « pour faire valoir leurs droits »
Au-delà de l’hébergement et des distributions, Utopia 56 joue aussi un rôle crucial dans l’accompagnement administratif et juridique des jeunes exilés. Beaucoup d’entre eux voient leur minorité contestée par l’État et doivent entamer un parcours judiciaire complexe pour espérer être pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance.
Les bénévoles les aident dans leurs démarches : constitution de dossiers, prise de rendez-vous avec des avocats, explication des procédures judiciaires, lors des trois permanences organisées chaque semaine, les jeudis, vendredis et samedis. « Les jeunes sont souvent perdus face à l’administration française. Notre rôle, c’est aussi de leur donner les outils pour se défendre », raconte Léa, étudiante en Sciences politiques et bénévole depuis septembre, qui accompagne plusieurs mineurs dans leur recours.
Malgré l’engagement des bénévoles, la situation sur le terrain reste alarmante. Chaque jour, de nouveaux jeunes se retrouvent à la rue. « On a l’impression que ça ne bouge pas, admet Soutra, bénévole depuis 1 an à l’association. On fait tout ce qu’on peut, mais on manque souvent de moyens et de temps, on ne peut pas tout faire ». Les procédures de recours peuvent aller de 6 mois à 1 an, mais dans 80% des cas elles aboutissent. « C’est frustrant pour les jeunes et les bénévoles, cette longue durée d’attente, entre espoir et doutes », ajoute Soutra.
« L’éducation est un droit fondamental »
L’accès à l’éducation est un autre combat majeur pour Utopia 56. Beaucoup de ces jeunes se retrouvent exclus du système scolaire public en raison de leur situation administrative. Pour alerter sur cette injustice, l’association organise régulièrement des manifestations devant des institutions comme le rectorat, demandant l’inscription des mineurs exilés dans les établissements scolaires.
En attendant que ces jeunes puissent accéder à l’école publique, des associations comme La Réconciliation proposent des alternatives. Avec son programme École sans frontières, elle permet à ces jeunes d’accéder à un enseignement de base et à des cours de français. Mais ces solutions restent précaires. « L’éducation est un droit fondamental, ces jeunes devraient être en classe comme n’importe quel adolescent », insiste Clémentine, bénévole à Utopia 56 et éducatrice FLE (Français Langue Étrangère). Lors des permanences de l’association, du soutien scolaire est aussi proposé, afin de permettre aux jeunes d’avoir un suivi dans l’apprentissage.
« Être bénévole, c’est se sentir utile »
Pour les bénévoles, s’engager auprès d’Utopia 56, c’est avant tout donner du temps à ceux qui en ont besoin. « On ne change pas le monde, mais on fait notre part, confie Léa. Parfois, juste être là, écouter, accompagner un jeune à un rendez-vous, ça peut faire une vraie différence. »
Beaucoup soulignent aussi la force des liens créés avec les jeunes qu’ils accompagnent. « On partage des moments de joie, des réussites, mais aussi des moments très durs. C’est une expérience humaine incroyable. Je me sens vraiment utile ici », raconte Clémentine.
« Tout seul, on ne peut rien faire, mais ensemble, on peut accomplir beaucoup »
L’appel aux dons et à la mobilisation est plus que jamais d’actualité. Utopia 56 cherche activement de nouveaux hébergeurs solidaires et bénévoles pour poursuivre son action. « Tout seul, on ne peut rien faire, mais ensemble, on peut accomplir beaucoup », insiste Soutra.
En pleine période hivernale, de plus en plus de jeunes dorment dehors, Utopia 56 reste l’un des derniers remparts contre l’isolement et la détresse de ces exilés. Une mission essentielle, qui repose sur la solidarité de chacun.