Ce 10 février avait lieu le vernissage de la quatrième édition de la biennale Objet Textile, qui se tiendra jusqu’au 31 mars à La Manufacture de Roubaix. Au cœur du musée, les machines tisserandes d’époque se marient avec l’art textile contemporain. L’occasion de (re)découvrir ce lieu chargé de mémoire.
Il règne une atmosphère particulière ce samedi après-midi à la Manufacture de Roubaix. Nous suivons Claire Baud-Berthier, responsable de la programmation et des publics. « Il y a 14 œuvres dans la salle d’exposition et 9 dans l’espace dédié à l’industrie du textile, nous explique-t-elle. Cela permet d’avoir un panorama de l’art textile contemporain, de lier le passé et le présent, d’instaurer un dialogue entre les époques ». Et l’effet recherché est bien présent : en déambulant dans ces pièces, hautes de plafond, riches en couleur, nous nous retrouvons nez-à-nez avec de grands cubes de 10m3, cernés par des cadres de bois. Il sont au nombre de 23, et accueillent les œuvres des artistes invités, originaires de la région, du Nord, mais aussi d’Ecosse ou encore de Singapour. Le thème de la Biennale cette année : le monochrome. Pour le reste, rien n’est imposé. Ainsi, les matières contrastent entre elles : laine feutrée, soie ou encore plâtre et porcelaine, entre ombre et lumière. « Ce thème amène une unité parmi les cubes, même si le camaïeu de couleurs apporte des nuances », précise notre guide.
Un arrêt sur image
Dans un coin, Emilie Chaumet, de Grenoble, se tient droite près de son œuvre. Elle l’a nommée Ce qu’il nous reste. C’est une vague, formée de plusieurs pans en perspective. Elle explique : « dans notre environnement, tout fonctionne par couches : les objets vivants, naturels ou anthropiques. Ici, j’ai voulu représenter comme un arrêt sur image, un instant impossible à capturer dans la vraie vie. Ici, l’Homme n’en est plus le point de départ ». Au quotidien, elle s’inspire de la nature, qu’elle estampille, brode et peint. Comme 200 autres candidats, elle a postulé pour exposer son œuvre aujourd’hui. Comme une vingtaine d’entre eux, son travail a été retenu.
Une technique très addictive
De l’autre côté du mur, dans l’autre pièce, Louis Lefebvre se prend en photo avec son alter ego, Esther Bapsalle, près de leur cube. A quatre mains, ils ont réalisé un pan de laine feutrée, blanc et noir. « Nous nous sommes inspirés des manteaux de bergers turcs. On les appelle les kepenek, entre le vêtement et l’abri ». Tous les deux sont originaires du sud de la France. Ils se sont rencontrés via des amis à Bruxelles, et ont conçu cette œuvre en suivant des bergers dans les Pyrénées. Tout est parti de la récupération de laines d’élevage destinées à la poubelle. S’en est suivi un processus de transformation de matériaux, puis la magie a opéré : « le feutre est une technique très addictive, continue Esther. Si la laine paraît avoir été modelée pour le cube qui la soutient, elle est très modulable, et a déjà été exposée sous d’autres formes. »
L’exposition laisse aux visiteurs un sentiment général de hasard bien calculé, d’alignement des époques. Le résultat final nous fait voyager dans l’espace-temps. Entre tradition et modernité, entre ombre et lumière et au son des machines ancestrales, l’expérience est complète.