Mardi 8 novembre, Donald Trump était élu président des Etats-Unis. Une annonce qui a fait réagir partout dans le monde. Mais qu’en est-il réellement ? A quoi devons-nous nous attendre outre-Atlantique ? Qu’est-ce que la présidence de Trump risque de changer pour nous ? Nous avons interrogé Damien Boone, docteur en science politique et enseignant à l’Université Catholique de Lille, ainsi que Trent Carlson, étudiant américain à l’ISTC pour le semestre.
L’avis de Damien Boone
« Il faudra du temps pour tirer tous les enseignements de ce qu’il s’est passé et voir quelles seront les conséquences en France. Avant tout, on doit se projeter dans un scénario qui était inenvisageable il y a quelques mois : oui, Donald Trump est le président des Etats-Unis. C’est le symptôme d’un système qui ne fonctionne plus. Il ne s’agit pas de défendre Trump, mais c’est ce système et un ensemble de mesures et de personnalités qui ont permis qu’un homme comme lui soit candidat et remporte l’élection. Tout ça alors que ce n’est pas un homme politique. Ce qui est important, c’est de voir comment on en est arrivé là, quels sont les symptômes qui ont permis qu’un tel homme puisse devenir président de la 1e puissance mondiale. On le savait, la droite américaine avait déjà la capacité de produire des candidats un peu bizarres, appartenant plutôt à la frange guerrière et conservatrice. Et voilà qu’arrive une frange pour le coup très fermée sur elle, issue du Tea Party et de tous ces mouvements un peu identitaires qui ont émergé dans les années 2000.
Voir les États-Unis comme le grand méchant loup.
Cette élection peut largement changer nos rapports avec les Etats-Unis. Il y a aura une méfiance a priori de tout ce qu’ils vont faire et c’est problématique. François Hollande a dit qu’on était dans une période d’incertitude, je suis assez d’accord là dessus. On ne sait pas trop où l’on va, mais il risque d’y avoir du changement. Jusque là, on voyait les Etats-Unis comme un allié sur lequel on pouvait compter. Cette méfiance pourrait se traduire par des manifestations comme sous la présidence de Bush, par le fait qu’on ait moins envie d’aller aux Etats-Unis ou encore par le risque de revoir les Etats-Unis comme le “grand méchant loup”. Je ne sais pas concrètement comment cela se déroulera, mais on peut s’attendre à des rapports un peu paranoïaques.
Une boite de Pandore.
Ce qui est certain, c’est que cette élection donne l’impression qu’on a donné un boulevard à des mouvements qui, jusque là, étaient considérés comme illégitimes sur la scène électorale. C’est comme si l’on ouvrait une boîte de Pandore et que certains le prennent comme un signal. On voit qu’il existe une opinion prête à entendre des discours assez invraisemblables. Résultat : celle qui se réjouit, en France, c’est Marine Le Pen. Avec l’élection de Trump, on peut très bien imaginer de quelle façon elle pourrait être élue elle aussi. C’est pourquoi Trump président, ça me semble être un très mauvais signal pour les démocraties occidentales. »
L’avis de Trent Carlson
« Que ce soit Hillary Clinton ou Donald Trump, ce n’étaient pas les meilleurs candidats. Il s’agissait de choisir le moins pire des deux. Mais je ne pense pas non plus que l‘élection de Trump soit si terrible. Il faut attendre de voir ce qu’il compte faire. On peut déjà remarquer qu’il commence à revenir sur certains points de son programme : abandonner l’Obamacare, construire un mur à la frontière mexicaine. Et ça, une semaine après son élection. C’est un homme très polémique, il fait du bruit, c’est vrai. Il y a certains points dans son programme qui peuvent faire peur, annuler les accords de Paris sur le climat par exemple, mais je ne pense pas que le système le laisse faire tout ce qu’il veut aussi facilement. Les plus gros enjeux ne sont pas forcément pour les Européens, mais concernent surtout les immigrants aux Etats-Unis qu’il menace toujours d’expulser. Même si on n’aime pas Donald Trump, on ne peut pas juger aussi rapidement, ni savoir quelles conséquences aura cette élection. Il faut laisser un peu de temps au temps et prendre du recul. Après tout, les gens ont voté, c’est une élection démocratique. »
Marilou Therre