Dessin palais de Justice Violette Ricard
Dessin palais de Justice Violette Ricard

Une matinée au Palais de Justice de Lille : Lundi 3 mars 2025

9h22 : Le hall du tribunal se remplit peu à peu. Les visiteurs passent sous les portiques de sécurité, échangent quelques mots avec les greffiers, se pressent, s’informent, courent d’un endroit à l’autre. L’atmosphère est animée mais feutrée. Devant la salle des affaires familiales les gens commencent à s’agglutiner, ils savent que l’attente sera longue.

Dans la salle D, dédiée au pénal, règne une atmosphère différente. L’endroit est sombre, presque oppressant, mais l’énergie qui en émane contraste avec l’ambiance austère. Une quinzaine d’avocats attendent. L’ambiance est détendue, les avocats les plus jeunes rigolent discrètement entre eux en se racontant leur week-end.

Sur le bureau de la juge, il y a différentes piles de dossiers prêtent à s’écrouler, plusieurs minutes passent avant que les cas commencent à être appelés.

« C’est bon pour nous ça. »

9h37 : On entend le murmure d’une avocate sur le banc d’en face. Elle se penche vers son client, qui, nerveux, bouge frénétiquement la jambe. « Apparemment, il n’y a personne en face. C’est bon pour nous, ça. Aucune demande ne sera faite si personne n’est là. » Son sourire satisfait tranche avec l’air déconcerté de son client, qui semble ne pas comprendre.

Ils sont nombreux sur le banc des accusés. Et la joyeuse colonie d’avocats laisse imaginer que de grandes plaidoiries auront lieu.

Finalement, il ne s’agit que d’abattage de dossiers, les cas sont appelés, les avocats discutent quelques minutes à peine avec la juge, et puis la date du délibéré est donnée, les accusés s’en vont.

Une demi-heure plus tard, il ne reste que 3 avocats, une femme qui semble attendre qu’on l’appelle, et ces piles de dossiers qui ne diminuent pas et qui manquent de plus en plus de dégringoler.

« Ça n’est pas suffisant ! »

10h02 : Un changement de salle s’impose, pas le choix, il faut refaire face à la grande tapisserie orange et brune.

Un homme et une femme s’avancent vers la juge, leur avocat suit. Il explique que sa cliente, fauchée par une voiture en 2015, ne touche toujours pas l’argent et les aides que son assurance « lui doit ».

La jeune femme, à l’époque âgée de 21 ans et étudiante en dentaire, a vu sa vie chamboulée par cet accident. Aujourd’hui, elle ne peut travailler qu’à 50 %, et sa mutuelle, dont le nom sera tu, lui propose un fauteuil adapté, ni plus, ni moins.

L’avocat de cette même société d’assurance se présente à la barre, il est jeune, mais n’articule pas et gesticule dans tous les sens : « Je représente *la mutuelle*, mais je vous comprends, ne me prenez pas pour une caricature des assurances. »

Un grand silence suit, les juges ne semblent ni comprendre ni apprécier la défense proposée. La juge qui préside est figée, souffle, et finit par baisser la tête.

Le délibéré aura lieu en mai 2025, tout le monde sort, il n’y a plus personnes à part les deux juges, ils remballent leurs dossiers, la séance est levée.